Les 15 et 16 octobre derniers, toute la section d’Architecture d’intérieur de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc Liège — étudiant·e·s et enseignant·e·s confondu·e·s — s’est réunie pour l’édition 2020 du workshop Vertikal. Ces deux journées avaient pour objectif d’envisager la transition et intégrer le bien-être au travail en revisitant la conception des locaux de la section.

 

Au cours des dernières années, plusieurs projets ont rassemblé différentes années d’étude en Architecture d’intérieur : réaménagement du Passage Lemonnier, interventions dans les quartiers et rues en déclin comme Saint-Léonard et Puits-en-Sock. Parenthèses dans le déroulement ordinaire des cours, ces initiatives ont pour objectif de mélanger les étudiants et de les fédérer autour d’un projet commun, durant plusieurs journées de travail intensif. Ces activités pédagogiques « verticales » rencontrent un franc succès auprès des étudiant·e·s. Elles exigent un engagement important de la part de l’équipe enseignante et une organisation minutieuse. Grâce à la ténacité d’une poignée d’enseignant·e·s et avec le concours de la Sowalfin dans le cadre des Générations entreprenantes, l’Atelier Vertikal a vu le jour !

 

Le défi de l’Atelier Vertikal est ambitieux et particulièrement stimulant : rien moins que réinventer l’occupation des locaux d’architecture d’intérieur ! Partant du constat que ces locaux sont actuellement peu habités par l’identité de la section et que certains d’entre eux sont peu adaptés à toutes les facettes du projet pédagogique, il est convenu de donner une carte blanche pour redessiner les espaces, pour les étudiant·e·s et par les étudiant·e·s ! L’optique retenue est de créer une transition entre chez soi et l’école, un cadre de travail pour les étudiant·e·s et pour les enseignant·e·s qui vise le bien-être.

Concrètement, près de 200 étudiant·e·s, de la 1re à la 5e année, se sont réparti·e·s en 15 équipes « verticales » avec pour mission de repenser chacune une partie du premier étage : les couloirs et les sas d’entrée, les classes d’atelier ainsi qu’un espace de détente et rencontre. Ce workshop prend la forme d’un concours d’idées : à l’issue des deux jours, un jury se prononcera sur la qualité des projets et un seul sera retenu en vue d’une réalisation à court terme. Une équipe Reportage, emmenée par le journaliste-reporter Renaud Dubois, armée d’appareils photos et de caméras, doit quant à elle capter l’ambiance et documenter le travail en cours.

 

Coup d’envoi

La première journée commence par un accueil de l’ensemble des participant·e·s au B9 – le seul local qui permet de respecter la distanciation physique de rigueur. Plusieurs intervenant·e·s précisent le cadre des projets de groupes et donnent à réfléchir sur la portée des interventions. François Marchal, cheville ouvrière de ce workshop, rappelle les objectifs et les consignes de travail. Questionnant ce que représente l’identité, Jean-François Lavis avance que c’est « comment les autres me perçoivent et ce qu’ils attendent de moi ». Qu’est-ce que cela signifie pour l’architecture d’intérieur au sein de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc Liège ? Il nous invite aussi à réfléchir à la notion de bien-être au travail, qui, pour louable qu’elle soit, est aussi une façon de rendre étudiant·e·s et enseignant·e·s productif·ve·s et créatif·ve·s, c’est-à-dire rentables. L’identité des architectes d’intérieur, c’est aussi d’apporter des réponses critiques à cette nouvelle injonction. Valérie Hambye, designer de bien-être en entreprise, souligne qu’il est important que l’environnement raconte l’histoire de la section. Elle ajoute que pour améliorer la qualité de vie au travail, il ne faut pas oublier le besoin d’appartenance, d’estime de soi, et le rappel des valeurs de l’école ; tout cela peut se lire dans l’espace. Bernard Gilbert, qui enseigne la couleur, démontre, exemples à l’appui, combien la perception d’un lieu de vie ou de travail varie en fonction de la couleur, en tant que matière et en tant que lumière, et qu’il est important de trouver un équilibre pour s’y sentir bien.

 

 

Ça pense…

Après ce démarrage, les équipes rejoignent leur poste. L’ambiance de la première matinée est plutôt calme. Les étudiant·e·s, qui ne se connaissent pas forcément, restent sur leurs gardes, écoutant le briefing relatif à l’espace attribué à leur équipe et se demandant par où commencer et surtout comment finir en deux petits jours… Pour les étudiant·e·s de B1, c’est le premier grand bain, après seulement quelques semaines de présence à l’école ! La glace brisée et les premières discussions passées, le climat se fait plus dynamique et plus bruyant, enjoué ou tendu selon les moments, et toujours concentré sur l’objectif, voire sur la ferme intention de gagner. Bernard Gilbert, expert couleurs, et Stéphanie Carabin, experte éclairage, se mettent à la disposition des étudiant·e·s durant toute la matinée.

Les différentes équipes s’affairent, arpentent les espaces et analysent les lieux d’intervention. Quels sont nos besoins, de quoi avons-nous envie pour nous sentir bien ? Les discussions sont soutenues. À la fin de la première journée, concepts, scénarios et les intentions émergent, s’appuyant sur les premières esquisses. On découvre que les espaces de transit, de circulation sont aussi des espaces de stationnement et de papote et que ces simples couloirs sont en réalité très occupés et visibles. Les sas sont de petits espaces qui semblent ingrats à première vue mais qui sont les portes d’entrée dans la section et à ce titre, ils doivent être porteurs de l’identité. Les locaux d’atelier sont réinventés pour créer davantage de lien et mieux répondre aux différentes contraintes d’occupation : travailler en semble ou s’isoler, suivre un cours plus théorique ou faire une maquette… tout en reflétant la réalité d’une école artistique. La zone des Arcades, qui fait la jonction entre les deux ailes du plateau, doit quant à elle se muer en espace de détente, propice à la rencontre et la communication sur la section, via l’affichage et l’exposition notamment.

 

 

Ça travaille…

La deuxième journée est parcourue d’une énergie plus tendue tandis que les tables et le sol se couvrent de papiers, cartons, plexis colorés et ustensiles en tous genres. Ça découpe, ça colle, ça peint, ça crayonne, ça trace à l’ordinateur, ça fait des allers-retours à grandes enjambées vers le local d’impression… Les moments de calme où chacun s’active à sa tâche alternent avec des discussions vives car il est temps à présent de trancher et de conclure. Les reporters captent l’émulation, la concentration, le plaisir de travailler tous ensemble, l’excitation du défi, les sourires derrière les masques. Ils enregistrent les réactions des étudiant·e·s, heureux·ses de se rencontrer, de voir comment les autres travaillent, de penser à plusieurs têtes, dans un timing serré qui exige des équipes organisées. Les enseignant·e·s se réjouissent de cette dynamique qui mixe les années, qui mélange les acquis des un·e·s et des autres et qui change de l’enseignement classique. Ils et elles sont là pour aiguiller les groupes quand c’est nécessaire mais ce sont vraiment les étudiant·e·s qui définissent le planning et les étapes.

 

Le jury

Enfin arrive le moment à la fois attendu et redouté : le passage du jury dans chacun des groupes. Pour présenter son projet, la maquette à l’échelle 1/20e est le seul moyen de communication imposé. Pour le reste, les équipes sont libres d’ajouter des plans, une note d’intention, des croquis, des mood boards ou autre communication graphique – pas de présentation orale. Le jury est composé d’un membre de la direction (Philippe Pirlot), de trois enseignant·e·s (Roland Juchmès, Carine Maes et François Marchal), d’un membre de la Sowalfin (Carine Frérard) et enfin de cinq étudiant·e·s, un par année d’étude (Enola Saive, Sarah Jonlet, Shanshan Chen, Clara Cornot et Thomas Kaisin).

Dans chaque catégorie, le jury doit sélectionner un groupe lauréat et ensuite, il lui faut choisir le meilleur projet. Les lauréats sont récompensés par plusieurs prix offerts par des magasins et organismes culturels. Le premier prix est attribué au groupe « Réenchantement », qui a travaillé sur le couloir de transit vers l’auditoire 125. La proposition, haute en couleurs, intègre une signalétique efficace pour identifier les locaux, tout en permettant des pratiques inhérentes aux couloirs : assises, rangement, zones d’affichage sont ainsi créées par des modules complémentaires aux éléments signalétiques. L’ensemble améliore le bien-être dans ce long couloir, resté vide jusque là. Ce projet sera bel et bien concrétisé grâce au financement de la Sowalfin. La réalisation est prévue pour la fin de l’année 2020… en croisant les doigts pour que la situation sanitaire ne compromette pas le processus !

Le projet du groupe Réenchantement

 

Terminons en levant notre chapeau à l’implication sans faille des représentants des étudiant·e·s, et tout particulièrement à Emilie Sferlazza et à Maëlle Paquay, qui se sont investies tout au long de la préparation et du suivi du workshop et dont l’enthousiasme est si précieux pour l’ensemble de la section. Merci à elles !

 

En vidéo

Découvrez en images le résultat du travail du groupe Reportage, chapeauté par le journaliste Renaud Dubois.