

Dans le cadre de la Milan Design Week, la Politecnico di Milano a organisé un programme intensif hybride (BIP) autour du design. Six étudiant·e·s de Master 2 en Design industriel de l’ESA Saint-Luc Liège ont eu la chance de participer à cette semaine unique mêlant cours, workshops, visites et découvertes. Voici leurs impressions.


Ce fut une semaine riche en découvertes. Le programme associait conférences, enseignements, explorations libres et immersion dans la vie culturelle milanaise. À la Politecnico, nous avons assisté à plusieurs cours animés par des intervenants aux profils variés, chacun apportant sa vision du design. Ces cours avaient pour objectif de nous aider à observer les expositions avec un regard affûté, critique et sensible.
Nous avons notamment eu accès au Salone del Mobile grâce à un pass pour la journée. Même si une seule journée était un peu courte vu l’ampleur de l’événement, cela nous a permis de découvrir une incroyable diversité de projets. Le Salone Satellite nous a particulièrement marqués : plus expérimental, plus jeune, plus proche de notre travail à Saint-Luc.
L’ambiance générale de la Milan Design Week est difficile à décrire tant elle est foisonnante. Des expositions surgissent à chaque coin de rue — souvent gratuites — dans des lieux parfois insolites : anciennes églises, hôtels de luxe, galeries, boutiques… On comprend vite que cette effervescence est alimentée par les designers indépendants et grandes marques qui louent temporairement ces espaces pour exposer leurs créations. Il suffisait de flâner dans un quartier pour tomber par hasard sur plusieurs installations, souvent étonnantes.


Ces rencontres impromptues ont nourri notre inspiration. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec des designers, de découvrir des démarches innovantes et même de croiser des objets que nous avions étudiés au cours de notre formation. C’était l’occasion de faire des liens, de nourrir nos projets de fin d’études et d’ouvrir nos perspectives.



En parallèle, cette semaine nous a permis de découvrir le fonctionnement de la Politecnico di Milano, ses ateliers, ses espaces, et les projets menés par ses étudiant·e·s. Nous avons aussi rencontré des jeunes venu·e·s d’autres pays, avec qui nous avons pu échanger autour de nos visions du design et du métier de designer.



Formé à l’Akademie voor Industriële Vormgeving d’Eindhoven, Koen De Winter débute sa carrière chez Volvo en Suède, avant de rejoindre Mepalservice BV aux Pays-Bas, où il s’impose rapidement comme un innovateur dans le domaine des plastiques et des techniques de fabrication. Refusant la logique du jetable, il propose dès les années 1970 des solutions durables, comme un nouveau système de lave-vaisselle industriel, motivé par une conscience environnementale précoce et un souci d’économie des ressources.
Après avoir dirigé des équipes de design aux Pays-Bas et au Danemark, il s’installe au Québec en 1979, où il prend la direction du design chez Danesco, puis fonde Hippodesign et l’Atelier Orange, mêlant artisanat, design et développement régional. Son engagement ne se limite pas à l’industrie : il s’illustre aussi par des projets à forte portée sociale, comme la conception de prothèses de pied accessibles pour les victimes de mines antipersonnelles. Son parcours exceptionnel a été salué par de nombreux prix, dont le prestigieux Henry van de Velde Award et un doctorat honorifique de l’Université Laval.



Plutôt que de dresser un simple bilan de carrière, Koen De Winter a invité l’auditoire à repenser le rapport entre artisanat et design industriel. Selon lui, la technique n’est pas un simple outil, mais un langage qui façonne l’objet, lui confère une identité et une histoire. Un objet issu d’un atelier, pensé pour durer et répondre à un véritable besoin, porte la trace du geste, du lieu, du temps. Cette dimension, trop souvent sacrifiée sur l’autel de la production de masse, est pour De Winter le cœur même de l’innovation.
Pour De Winter, il n’existe pas d’opposition entre artisan et designer : au contraire, c’est dans la rencontre de ces deux univers que naît la créativité. Les contraintes techniques, loin de brider l’imagination, deviennent des moteurs d’invention. Il l’illustre par des exemples concrets de sa carrière, où la compréhension fine des matériaux et des procédés de fabrication a permis de renouveler la forme et l’usage des objets du quotidien.

En conclusion, Koen De Winter a insisté sur la nécessité de transmettre aux jeunes générations une éthique du design fondée sur la durabilité, la curiosité et l’engagement. Concevoir, c’est aussi assumer ses choix de matériaux, valoriser le travail bien fait et ralentir le temps de production pour mieux inscrire l’objet dans la durée.
Le design, pour Koen De Winter, est une manière d’habiter le monde et de tisser du lien – entre les disciplines, entre les générations, entre l’humain et la matière. Un message fort, qui a trouvé un écho particulier auprès des étudiants et enseignants présents, tous repartis avec la conviction que l’avenir du design se jouera dans l’alliance du geste et de la pensée.


